Je voulais pas rentrer ce soir
J'étais ailleurs, près d'autres voix
J'allais négligeant le devoir
Voir d'autres murs, un autre toit...
Comme la mer, rompre une digue
Être enfin libre, être enfin moi
Rempli d'excuses, de fatigues
Dormir ailleurs et loin de toi...
Croire aux mensonges des gens seuls
Combattre l'âge et l'habitude
Trouver des joies dans leur linceul
M'offrir au cœur la solitude...
Oubliant mon bonheur sans ride
Courir le perdre à d'autres jeux
La tête et la mémoire vides
Étouffer d'être un homme heureux...
Et... j'eus ce cœur au bout d'un fil
Tout soupireux de me revoir
Qui recréa tremblant d'argile
Le mien sans s'en apercevoir...
Sans trêve il fallut que je vienne
Sur l'heure il fallut que j'écrive
Ta main bénie manque à la mienne
Aux vents les grands amours survivent !...
Penser qu'un jour tu pourrais n'être
Que la blessure d'une absence
M'offrir soudain pour morte lettre
Au souvenir de ta présence...
Panser la plaie de ce départ
Qu'un soir un jour m'infligerait
Perdre l'espoir de ton regard,
Tout redonner pour un baiser...
Songer que nous pourrions sans ombre
Errer sur nos anciens chemins
Désespérer de la pénombre
Aux soleils pleureurs des matins...
Porter toute une éternité
Le poids essuyé de nos larmes
Mourant de t'avoir offensée
Survivre appuyé contre une arme...
M'égarer sans y revenir
Au jardin des jeunes années
Hurler de ne pouvoir haïr
Cet homme en moi que tu aimais...
M'entendre honnir la terre entière
Et blasphémer contre ce ciel
Ayant permis que ma poussière
Se mêle à tes lèvres de miel…
Plutôt qu'aller pleurer trop tard
Sur le tombeau de notre amour
Plutôt qu'aller me perdre au phare
Du passé, jetée sans retour...
J'ai préféré rentrer ce soir
Sourire à deux des prochains jours
J'ai préféré fondre te voir,
Vivre à moitié serait trop lourd…
Mais si jamais revient l'orage
Je prie pour rester non coupable
De ruisseler sur ton visage
Des rides de peine ou de fables...
Devant tes yeux j'avoue je veux
Les rêves qu'ils ont derrière eux
Et sous les cieux sourds, noirs ou bleus
Vieillir et rester amoureux !…
Sébastien Broucke