Si la phrase allait en prières,
Mes mots promenaient la matière,
J’écrivais en trois dimensions,
De haut en beau sur la passion.
Des gouttes de beauté des cieux
Sanguinolaient. Plissant les yeux,
Taisant la douleur exécrée,
J’essayais de ne pas pleurer.
Chaque arbre avait depuis longtemps
Cessé d’apprivoiser le vent,
Et les nuages qui rampaient
Autour du monde avaient figé.
A l’heure où l’astre ancien déjeune,
En moi brillait ravi trop jeune,
Le Très-Haut contemplant la terre,
Comme un ciel bleu goûte un pré vert.
Son fils au milieu des voleurs,
Le plus doux pendu par l’horreur,
Voilà ce qu’en père a dû voir,
Ce Dieu quand mon ciel devint noir.
Dans cet univers immobile,
L’azur allait de gouache et d’huile,
L’ombre seule et sempiternelle
Planait aux hurlements sans aile.
L’ayant croqué de temps en temps,
J’avais du soleil dans les dents,
Sur ma tête de condamné,
Un sourire était accroché.
Dedans des courbes et des ronds,
Pourchassant quelques moucherons,
Le souvenir d’un hirondeau
Fusait dedans des nues sans eau.
Modelant des rimes sans nombre,
J’appréciais la fraiche pénombre,
Pourtant désormais sous les branches,
Ma nuit plus jamais n’irait blanche…
Refaisant le tour de mon monde,
L’âme propre, la tête blonde,
Demi-dieu, poète, potier,
Je façonnais des cieux entiers.
Dans le silence pétrifié,
La lumière photographiait,
Figée comme un chien à l’arrêt,
Ma dépouille en contre-plongée.
Ma vie s’en allait quatre à quatre,
Et bientôt le temps viendrait battre,
Sur mon être allant ripailler
Les vers aux rimes mal taillées.
En attendant, l’âme vivante,
Le cœur soyeux, la joie montante,
J’étais bien plus qu’un corps d’argile,
Ce bout de glèbe au ciel docile…
Si je partais abandonné,
J’avais fait ce que je devais,
Tant d’amour vendu pour un songe,
Moi qui méprisais le mensonge !
Leur foi n’était-elle qu’un leurre,
« Seigneur ! » leur sortait-il du cœur ?
Et si j’étais venu pour rien,
Leur père abhorrait tant le mien…
Entourée par des milliers d’anges,
Me remettant à leurs phalanges,
Eplorée dessous moi, ma mère,
Perdait ce qu’ils avaient offert...
Abandonné par tous les hommes,
Mes amis n’avaient plus de somme,
Je restais seul à regarder
Ceux qui venaient m’assassiner.
Je suis le roi des rois sans peuple,
Du ciel tous les cœurs se dépeuplent,
Mais ne gémissez pas sur moi,
C’est sur vous que s’abat ma croix.
Tombant d’un ciel priant pour eux,
Mon sang déversé pour si peu,
Je l’aurais donné pour un seul,
L’amour ne craint pas le linceul.
Bruissant, soupirant de zéphyr,
En chœur, tous les arbres reprirent,
Pendant que mon corps pendait nu,
Leur ode à éventer les nues.
Des fleurets de lumière entraient,
Perçaient, embrochaient les nuées,
Perforant le flanc de mon âme,
D’où coulait de l’eau sur ces femmes.
Des gouttes de beauté des cieux
Sanguinolaient. Plissant les yeux,
Taisant la douleur exécrée,
J’essayais de ne pas pleurer.
Pourtant j’ouvris la bouche, ému,
Pour m’en gaver un peu. Repus,
Vainqueur, les mains en croix, encore,
Je partis terrasser la Mort…
Sébastien Broucke
30 juillet – 1er août 2014