- Cette âme grise, centenaire, Que j’aperçois au loin qui luit, Qu’a-t-elle à faire encor sur terre ? Ne jette-t-on les trop vieux fruits ? Le dos courbé, la vagabonde, Ne peut qu’aller se lamentant, Ne peut-on l’arracher du monde, Et l’oublier rapidement...
L’arbre endeuillé, les prés sans boutons d’or, Des oiseaux noirs recouvraient la prairie ; Les lourds chevaux, tirant fort sur leurs mors, Hennissaient, songeant à d’autres frairies, Vertes. Mourant, un soldat victorieux, Contemplait gueuler ces bêtes...
Novembre est tout en joie, désarmante méprise, L’automne qui rougeoie s’avance rêvasseur, Superbe est la couleur, et la douceur exquise, Tout irait torse nu s’il n’était la pudeur… Des feuilles tombent, peu, les poètes devisent, Eperdus dans leurs bois...
Le matin revenu, j’aperçois babillant, Traversant la persienne où des nuées se traînent, Quelques oiseaux perdus dans la grisaille vaine ; Cherchant leur déjeuner, la faim les tenaillant, Un vent puissant les porte, un instant les emmène, Vers cet humide...
J’écoute attendri la prière De celle qui faisait ma joie, Le vent se repent sur la terre En discernant ta faible voix… Reclus dedans ma chambre sombre, Je chéris mon alliance en or, Veillant auprès du dieu des ombres, Où tant d’amour gémit encore. Reviendrais-je...
Le jour s’écourte encore et n’en sort pas du roux, Dans mon jardin j’entends, mortes intarissables, Du néant qui s’approche en assassinant tout, Des feuilles par milliers converser sur la table. J’en vois tomber au sol comme on voit sur le sable, L’océan...
J’avance vers ce bar où rien n’existe plus, Touchant presque du pied le comptoir qui me plut ; Je ne perds pas mon temps, le néant je le pleure, C’est rempli que j’arrive étancher mon vieux cœur. Je rentre enfin des champs, de l’ultime moisson, Cette...
Nombreux, tristes et pathétiques, Debout sur ce quai long de gare, Ils attendent sans voix, stoïques, Le signal du prochain départ. Les plus courageux parfois rient, Pour moins sentir l’horrible peur, Mais malgré des rires jaunis, Rien n’égaie désormais...
Vos enfants lourds de vie font du bruit dans ton dos, Ta voix ne couvre plus celles de ces oiseaux ; Ta femme rit sous cape, aimant son virtuose, Empêché de créer parce que l’indisposent, Des bambins exaltés par leur lutte infernale… Ignorant ton humeur,...
Sont-ce bien des tambours ces lointains roulements, La campagne pourtant s’étale si sereine ! Tout est paisible ici, pas un souffle de haine, Nos cœurs valsent la joie en fringants battements… Le bruit sourd se rapproche, âcre bourdonnement, Quoi ! Nous...
Je me retourne encore et remonte mes manches, Tu ris de mon départ tes deux mains sur les hanches ; C’est l’heure où s’éloigner, nous perdre, travailler, Mais tu pouffes de joie tant je suis à bailler… -"Ne sois pas en retard, descends, vas-y, Ne crois...
Vivant d’un pacte ancien que l’on n’a pas conclu, A se tromper d’amour on a baisé la haine, Et mourant de ce mal que nous n’avons voulu, Rien n’a su purifier notre fétide haleine… Que reste-t-il, serpent, de toute ta science, Quelques bonheurs parfois,...
Qui viendra balayer, chère âme désunie, Sous le drap qui se froisse alors que détordu, Ton corps souffle et repose aux instants suspendus, La poussière étalée sur ta peau rembrunie ? Tes cheveux emmêlés de neiges et de noir, Guetteront mille années mes...
J’ai creusé trop de trous par ennui, par centaines, Dedans lesquels je tombe... En ces puits, mes fontaines, Des grenouilles festoient et rotent jusqu’aux cieux ; Pas une ne me craint, tout s’est accoutumé A ces coassements que je ne n’ose jamais ! Je...
Je n’ai bu qu’un seul philtre, aimé qu’un élixir, Ah, j’en voudrais encore ! Aussi je te poursuis, Toi ma petite fée, ma magicienne enfuie, Qui m’ôte le poison par lequel je respire ! Du venin de mon cœur la source irait tarir ? Je te retrouverai ! Envoûté...
Dernière information : ce qui tue tant de couples Est arrivé chez nous ! Les langues se délient, Tout semble se distendre et dans de nombreux lits, On devine la haine et l’ennui qui s’accouplent. On sonne la retraite, on sonne l’hallali, Ce qui était...
Un poème nouveau s’est assis sur la branche, Et le chant d’un oiseau qui revient et se penche, Vers mon oreille ouverte où vont mille et un sons, Semble agiter les fleurs comme un vent de moisson. La nuit n’a pas germé ses écumes d’étoiles, Pas encore....
Les entraperçois-tu, lentement je les vois, Chacune pousse, tire, allonge le convoi, Laborieusement. Vers où tant traînent-elles, Ces années que les nues transportent sur leurs ailes ? Mon cœur ! Ne t’ensommeille pas en l’ombre ensevelie, Songe à ce que...
Un arbre était tombé de toute sa hauteur, Remplissant les jardins de stupeur. Lui qui touchait au ciel le priait en silence, Humilié, comme on voit bien souvent les géants, A genoux, implorant et pleurant. On s’interroge, il est immense, Que faire de...
Il revenait d’une île où brûlaient les épices, Le navire était lourd, sa voile enflée de vent, Chaque soute encombrée, précieux son chargement, Mais le sel de ses mers dardait ses cicatrices. Il ne cherchait plus d’or, plus de consolatrice, Ayant copieusement...
Pour mes parents... La nuit se meurt, blessée par un éclat de lune, La mer au loin s’en vient frapper sans faim la dune... La terre, aile affamée, s’éveille et prie et mange L’aube dégringolée. Le soleil est aux anges, Le jour s’est relevé, le monde se...
Il avance, il est noir, est-ce un arc, une lance, Qui pourrait l’empêcher d’affleurer mes silences… L’entendez-vous planer dans cet air plein de joie, Celui qui vient ce jour, d’été, baiser ma voix ? Il marche, virevolte, il échappe, charmant, A tout...
Un hiver sans victime et sans mort cette guerre, Ne plus m’aller nourrir chaque jour à ces bouches, Me réjouir des corps que leurs lèvres ne touchent, Enfouir mes cercueils sans larmes et sans chair ; M’endormant dans des chants importuns et diserts,...
Quand descendra l’oubli six pieds dessous la terre, Désemplir nos cercueils de leurs os et leurs chairs, Au-dessus de nos fronts, sans souci, faméliques, Sous des dimanches verts drapés de pique-niques, Entendrons-nous les pas des automnes qui crissent,...
J’ai pour t’oublier la rancune, Des nuits solitaires et lentes, Et les jours de mort imminente, Une colère inopportune… Je noie partout mon infortune, Dans des malédictions charmantes, Mais pour ton cœur en est-il une Qui tuerait ses amours naissantes...