Il t’a fallu partir ?! Il faut donc te quitter ?!
Mais il est un peu tôt, étais-tu si pressée ?…
Toi qui jours après jours nous gardais ton amour,
Toi qui de l’un et l’autre attendais le retour…
Toi sans qui nous n’aurions jamais vécu nos vies,
Après tout ton amour, ta mort nous réunit !?
Nous serons courageux, ne va pas t’inquiéter,
Nous t’aimons nous aussi, rien ne sert de pleurer.
Rien ne sert de pleurer… Est-ce la vérité ?
Car lorsque toi tu pars, c’est pour l’éternité !
Quoi, l’on ne peut tout dire ? Un ange a-t-il des larmes ?
Oh ! Ne crains plus pour nous, les nôtres sont nos armes.
Ces gouttes salées tant que tu nous vois verser,
Luttent contre les feux que tu as allumés,
Car l’absence incendie les esprits et les âmes,
Nos yeux répandent l’eau pour consoler des flammes !
Oh ! Mamie regrettée, entre deux mots trop grands,
Et pour nous et pour toi, et pour tous les absents,
Pour tes filles chéries qui t’aimaient plus que moi,
Je n’ai plus à choisir, je n’hésite pas, vois :
- Mes pleurs, osez couler ! Mes yeux, laissez venir ! -
Chacun peut-être ici, chacun pourra se dire…
J’aurais fait de la peine, ou, j’ai été absent ?
Peut-être aurais-je du venir bien plus souvent…?
Alors c’est sûr il faut… Lui dirons-nous pardon ?…
Oh non ! tendre Mamie, pas aujourd’hui, ah non !
Le mot qu’ont tes enfants, là ou non mais ici,
Est juste un peu plus court, et ce mot c’est : Merci !
Arrière Grand-maman de tous nos chers enfants,
- Et tu sais oh ! combien nous le pensons vraiment. -
Merci d’avoir été la mère de nos mères,
Merci d’avoir été celle dont on est fière !
Car la noblesse en toi n’était pas ridicule,
Ton nom moins que ton âme était à particule,
Et quoi qu’on puisse apprendre, enfin l’on sait pourquoi,
Une reine toujours laisse les siens parfois...
Pourtant, vous auriez pu, Madame ma grand-mère,
Repousser juste un peu vos minutes dernières…
Toi qui séchais nos pleurs quand nous étions enfants,
Pensais-tu nous les faire un jour couler autant ?
A peine es-tu partie que l’absence persiste,
Avec tant de chagrin, comment n’être pas tristes ?
Nous laissant en cadeau comme un legs à tes filles,
Que feras-tu là-haut loin de notre famille ?
Nos mères dont je vois la tristesse couler,
Attestent que mes mots sont sincères et vrais.
Irisant de bonheur leurs journées et leurs soirs,
Garde les réunies au ciel de ta mémoire !
Chère arrière Mamie, quant aux anniversaires
Où tu ne seras plus, qu’allons-nous donc en faire ?
Le café, samedi, c’est qui qui le fera ?!…
Près de qui irons-nous, qui nous rassemblera ?
Quoi, comment, plus fort, tu dis ? Des détails tout ça ?!…
Oui, c’est vrai, le temps passe, et le temps passera,
Mais ainsi qu’en ce jour, notre famille éparse,
Aura froid fort longtemps, le douze au mois de mars…
Nous pleurerons un peu, ceux qui t’aimaient beaucoup,
Et puis, et puis, ton souvenir séchera tout,
Comme ta main. Nos larmes cesseront sans doute,
Oh ne nous mentons pas !… Chaque enfant suit sa route.
Mais en fait peu nous chaut et Mamie peu t’importe,
Tous ceux de qui l’on vient sont ceux-là qui nous portent !
Et toi, tu es en nous, et là, ce soir, pour la première fois,
Etonnamment je sens ton sang qui coule en moi !
Puisque c’était écrit, puisque ta dernière heure,
J’aimerais t’envoyer comme tous ceux qui pleurent,
J’aimerais t’envoyer ce mot que tu disais,
Ce mot, oui, souviens-toi, lorsque tu nous serrais,
Petits-enfants chéris tout fort dedans tes bras…
Ce mot qui gênait tant, quand nous ne savions pas…
Ce que c’est que chérir, ce que c’est que donner,
Ce que c’est que savoir, ce que c’est que d’aimer…
Et ce mot, lequel est-ce ? Oh ! le plus beau Mamie,
Le plus beau : Je vous aime, et non pas à demi.
Non, nous n’attendrons plus, Mamie, les cimetières,
Les instants trop tristes, les gentilles prières,
On dira tout avant, on va devenir grands…
On essaiera d’aimer quand les gens sont vivants.
Pour toi, ayant aimé durant toute la vie,
- J’en veux pour preuve encor ces enfants recueillies,
Auxquelles tu as dit, Vous êtes étrangères,
Si vous m’en jugez digne, acceptez-moi pour mère ! -
Que le Dieu de tes jours te reprenne en son cœur,
Car le tien fut trop grand pour reposer ailleurs.
Amen.
11 mars 2001.
Si j’avais su faire mieux, Mamie, j’aurais fait plus court.
Sébastien Broucke
Grelots d'outre-temps