J’étais certainement ce qui manquait de moi,
La peine était partout, la peur ne partait pas,
Il fallait une femme, un destin, de la vie,
Absconsément comprendre avant d’avoir appris…
L’aventure banale : avancer vers jamais !
Quelques mots trottinant leurs rimes sans soulier,
Je m’essoufflais alors, atone absurdement,
Voyant mes pas tombaient toujours plus lourdement...
Ma perte me guettait par dessous le dédain,
Mais quand tu ne vins pas, tout s’éclaira soudain.
Merci de n’avoir pas, Amour, daigné paraître,
Enfin j’ose exister, merci de ne pas être…
Car si je t’avais vu, j’aurais été de moi,
La moitié de quelqu’un, l’autre morceau de toi,
Un aveugle enchaîné d’illusoires je t’aime,
Un benêt dévoré par la proie de lui-même…
Quand j’attendais idiot quelqu’un pour me sauver,
Sans que tu saches bien ce que tu n’as pas fait,
En m’évitant le nœud d’une chaîne où me pendre,
Tu m’as donné la vie au lieu de me la rendre…
À ne pas te croiser je me suis rencontré,
J’existe doucement, j’apprends le verbe oser,
Et vais, comblé. Je donne et prends, j’ai deux fois tout,
N’appréhende plus rien, crois même, et goûte tout…
Lorsque il faisait vingt ans les jours bleus m’étaient vains,
Attendant quelque chose en regrettant demain,
Désespéré de moi bien jeune au coin du feu,
Craignant de me brûler je me chauffais si peu…
Aujourd’hui rassuré, je m’enflamme d’un rien,
Et saurai désormais retourner d’où je viens !
Redoutant de mourir je me vivais à peine,
Mais ne m’alarmant plus, vers vivre je m’emmène…
Euphorique frisson que de se voir vieillir,
N’espérant même plus, j’apprécie de grandir !
Enfin je suis moi-même, enfin je me deviens,
Restant là, seul, épris, immensément de rien…
Sébastien Broucke