L’aube renouvelée, ravissante, superbe,
Revenait se poser dans tes yeux et sur l’herbe ;
Chassant l’obscurité et les rêves mauvais,
Le matin renaissait quelque autre alacrité…
Nous retournions au monde, et dans l’allée Gauric,
On entendait les voix des oiseaux faméliques.
Nous allions vers le lac en suivant le ruisseau,
Celui qui se vêtait de ses nouvelles eaux,
Lui qui dans ton visage ainsi qu’en un miroir,
Se mirait ébahi, ravi de se revoir…
Le pinceau du grand peintre à nouveau déposait
Sur le noir de sa toile une étrange clarté ;
Quand mouraient en rosée quelques perles qui bougent,
L’azur naissait un ciel guillotiné de rouge.
Nous promenions sans bruit nos pas sur le pavé,
Et jetant ton grand rire aux arbres étêtés,
Tu lançais des cerceaux, tu refaisais la roue,
Et le sang me montait moi aussi sur les joues…
Attiré par ton ciel comme un soleil se lève,
Heureux je gambadais, plus vivant qu’en un rêve ;
J’adorais l’éphémère et le voir affleurer
Son aile auprès des fleurs de nos jeunes années,
Envoûté par tes yeux, les parfums, les abeilles,
Je t’aimais d’un amour aux silences pareil.
Ta robe quelquefois, blanche, se soulevait,
Et mon visage ému et de joie s’empourprait.
Je n’osais plus parler, ma passion sous ta hache,
Je craignais que ma chance au moindre bruit se cache !
Je n’avais pas si tort, car fuyant mon futur,
Je me suis encombré d’un avenir obscur…
Retournant vers chez nous, vois ce que j’y célèbre,
Des heures disparues d’aveuglantes ténèbres !
Dans mon crâne on martèle un vœu qu’on exauça,
Et dans mon cœur on sert la peine comme un plat !
L’aurore évaporée, ne me revient que l’ombre
Des souvenirs enfuis et de leurs vins sans nombre…
Désormais dans mes nuits j’ai peur d’apercevoir
L’horizon du matin que je ne veux plus voir.
Je m’éteins lentement privé d’air et je forme
Dans mon âme brisée des poèmes difformes.
Je voudrais tant courir aux temps des jeunes blés,
A l’heure où brusquement chaque champ ressemblait
A l’Eden angélique, aux plaines familières,
Où la terre et les cieux s’aiment en la lumière…
J’encense le passé ? Je tombe en ses ornières ?
Mais comment vivre encore après ce bel hier ?
Tout m’échappe… Et pourtant, enhardi par la vie,
Je ressens quelquefois l’herbe qui reverdit ;
Tout cesse et vieillissant, je souhaite qu’on sache,
Au soir où vient la paix quand le temps se relâche,
Que l’absence et l’amour ont une même voix,
Et qu’on l’entend sans fin sourdre au tréfonds de soi ;
A regretter l’enfance, à pleurer ses pâtures,
On ne guérit jamais, mon cœur, de ses blessures.
Alors, ne t’assieds pas ! Envole-toi, va, pars,…
Qui erre dans sa vie si ce n’est le clochard !
Au loin rougeoie la brune et déjà se dévoile
Le jardin d’une nuit où l’aube est une étoile…
Sébastien Broucke
11 & 12 juillet 2011