Me noyant dans tes yeux si clairs,
Silencieux je soliloquais,
Ma tête ayant du tourniquet,
Pris la vitesse circulaire…
Englouti par deux demi-dieux,
Comme au fond d’un puits deux étoiles,
Tu vins m’emporter par le voile
D’un petit clignement des cieux…
Il a fallu qu’en eux je fonde,
Que j’échouasse dans leur lit,
Pour que d’un enfant démoli,
Tu fis un amant de Joconde…
Sébastien Broucke
30 juillet 2013
Profitant du soleil et de l’herbe qui pousse,
De petits veaux beuglaient dans les champs et la joie ;
A plonger au ruisseau leurs semblables frimousses,
Ils remontaient en chœur leurs naseaux un peu froids.
Terrifiant dans sa force, impuissant dans son aire,
Le père des bovins ruminait dans la brousse ;
Esseulé dans son pré, prisonnier sur sa terre,
Ce taureau maudissait la jeunesse et la frousse.
Ici rien à combattre, et quel homme écraser !
Attendre le printemps, rêver qu’on le libère,
Supplier qu’au matin son bourreau embrasé,
Lui ôte à la narine un simple anneau de fer ?
Mais même le soleil ne ferait pas le poids,
Il pourrait tout détruire ou juste tout raser,
Aucun rayon du ciel tombant dans cet endroit,
Ne saurait amollir son cœur ou l’abraser !
Sébastien Broucke
27 octobre 2014
Abusant du sourire, abusant des « je t’aime »,
J’ai séduit plusieurs cœurs aux mots doux que j’essaime,
Mais sans sincérité, l’âme entre guillemets,
A simuler l’amour, je fus privé d’aimer.
J’écrivais ma légende assis dans ce fauteuil,
Où dévidant mon cœur pour emplir quelques feuilles,
A la sève coulant de mes anciennes plaies,
J’embellissais le soir de printemps dépeuplés.
Offrant ce qui plaisait aux regards de ces dames,
- Des bouquets de couleurs empreints de froides flammes ! -
Survivant malgré moi dedans mes fabliers,
Cent fois j’ai refleuri les jardins oubliés.
Aux rayons de leurs cils mon cœur endimanché,
Tout en se dévêtant se mettait à sécher ;
Le soleil de leurs yeux en faisait un désert,
Et mes larmes montaient en parfums dans les airs…
Parlant sans vérité, amant contraint de plaire,
Amputé de l’amour, demeurant solitaire,
En elles j’adorais découvrir mon reflet,
Lorsqu’une ode où rougir venait à les gifler !
Des cheveux démêlés aux chignons à refaire,
Je passais l’âme nue devant leurs corps offerts,
Nous volions dans la joie d’eux trois fois la semaine,
Puis j’allais leur manquer jusqu’à la fois prochaine…
Je signais de mon nom ces vers qu’offraient leurs pieds,
Mais je n’inventais rien, ému je recopiais,
En la faisant rimer aux mots qui les désarment,
Cette bonté sans nom qui surpassait leurs charmes…
Sébastien Broucke
10-14 octobre 2014
Octobre est arrivé cette année mi-septembre,
Ses vents sont bien fougueux et je sens que se cambrent
Les branches dénudées par cet avis d’automne,
Qui vous flétrit la traîne avant que l’heure sonne !
Toi seul es en retard, toi seul ne viendras plus,
Est-ce un signe des temps que les feuilles ont lu ?
Tout tombe, et notre amour se relève sans voix
D’avoir pansé l’été à genoux loin de toi.
J’ai le regard hagard, les cheveux d’une folle,
Sans toi je ne suis plus qu’un rire qui s’envole,
Ce pâle étonnement de revoir le matin
Sourire à ma fenêtre esseulé au jardin.
J’attends que rien n’arrive et jamais rien ne vient,
Je n’ose regarder celle que je deviens,
Pourtant comme la paix se repait de la guerre,
C’est d’avoir trop souffert que désormais j’espère.
D’autres vivront pour moi ce que je n’ai pu vivre,
J’ai tant lu cette histoire en tellement de livres…
Mais je garde en mon cœur de tes lettres qui flambent,
En souvenir rougi ton regard sur mes jambes !
Sébastien Broucke
2 & 3 octobre 2014
Lézardée la bâtisse entrevoie sans noirceur,
S’évaporer des trains qui fusent sans vapeur,
Elle s’agite et tremble aux pouls des voyageurs,
Qui ne s’arrêtent plus sur ses quais sans langueur.
Dedans mes souvenirs se croisent des regards,
J’y refais ta rencontre au cadran du hasard,
Au rythme des arrêts bat le cœur de la gare,
Le ciel égaie le hall que ses lueurs bigarrent.
Personne ne descend et qu’ou non tu le veuilles,
Ce qui s’arrête là… ce ne sont que des feuilles,
Tombées devant la porte et que des vents en deuils,
Emportent loin des rails étendus sur le seuil.
Si les rapides jouent quelquefois à l’automne,
Sur les quais point de rouge, ou d’orange, ou de jaune,
Débranchés sur la voie les panneaux qui foisonnent,
Plus un seul sémaphore ou de signaux qui sonnent.
Disparus avec eux les cris du poinçonneur,
La casquette est tombée du front des contrôleurs,
Le temps n’a plus d’aiguille et l’horloge sans heurts,
Aux fantômes d’ici ne fait même plus peur.
Le monde va plus vite et le village est mort,
Mais j’aperçois parfois, du train, mon cœur qui sort,
Volant au cimetière où repose ton corps,
Sur ta tombe il remet des fleurs jusques aux bords.
Puis il revient vers moi et voyage à rebours,
Compostant en mon âme un long billet d’amour.
Ah ! Que n’ai-je acheté un aller sans retour,
Et tiré pour te voir la larme au bleu du jour !
Je ne m’inquiète plus pour mon peu de bagages,
La malle de ma vie ne contient qu’une image,
Au second plan la gare emplit le paysage,
Et devant tu souris lorsqu’enfin mon visage…
Sébastien Broucke
4 & 5 août 2014
Si la phrase allait en prières,
Mes mots promenaient la matière,
J’écrivais en trois dimensions,
De haut en beau sur la passion.
Des gouttes de beauté des cieux
Sanguinolaient. Plissant les yeux,
Taisant la douleur exécrée,
J’essayais de ne pas pleurer.
Chaque arbre avait depuis longtemps
Cessé d’apprivoiser le vent,
Et les nuages qui rampaient
Autour du monde avaient figé.
A l’heure où l’astre ancien déjeune,
En moi brillait ravi trop jeune,
Le Très-Haut contemplant la terre,
Comme un ciel bleu goûte un pré vert.
Son fils au milieu des voleurs,
Le plus doux pendu par l’horreur,
Voilà ce qu’en père a dû voir,
Ce Dieu quand mon ciel devint noir.
Dans cet univers immobile,
L’azur allait de gouache et d’huile,
L’ombre seule et sempiternelle
Planait aux hurlements sans aile.
L’ayant croqué de temps en temps,
J’avais du soleil dans les dents,
Sur ma tête de condamné,
Un sourire était accroché.
Dedans des courbes et des ronds,
Pourchassant quelques moucherons,
Le souvenir d’un hirondeau
Fusait dedans des nues sans eau.
Modelant des rimes sans nombre,
J’appréciais la fraiche pénombre,
Pourtant désormais sous les branches,
Ma nuit plus jamais n’irait blanche…
Refaisant le tour de mon monde,
L’âme propre, la tête blonde,
Demi-dieu, poète, potier,
Je façonnais des cieux entiers.
Dans le silence pétrifié,
La lumière photographiait,
Figée comme un chien à l’arrêt,
Ma dépouille en contre-plongée.
Ma vie s’en allait quatre à quatre,
Et bientôt le temps viendrait battre,
Sur mon être allant ripailler
Les vers aux rimes mal taillées.
En attendant, l’âme vivante,
Le cœur soyeux, la joie montante,
J’étais bien plus qu’un corps d’argile,
Ce bout de glèbe au ciel docile…
Si je partais abandonné,
J’avais fait ce que je devais,
Tant d’amour vendu pour un songe,
Moi qui méprisais le mensonge !
Leur foi n’était-elle qu’un leurre,
« Seigneur ! » leur sortait-il du cœur ?
Et si j’étais venu pour rien,
Leur père abhorrait tant le mien…
Entourée par des milliers d’anges,
Me remettant à leurs phalanges,
Eplorée dessous moi, ma mère,
Perdait ce qu’ils avaient offert...
Abandonné par tous les hommes,
Mes amis n’avaient plus de somme,
Je restais seul à regarder
Ceux qui venaient m’assassiner.
Je suis le roi des rois sans peuple,
Du ciel tous les cœurs se dépeuplent,
Mais ne gémissez pas sur moi,
C’est sur vous que s’abat ma croix.
Tombant d’un ciel priant pour eux,
Mon sang déversé pour si peu,
Je l’aurais donné pour un seul,
L’amour ne craint pas le linceul.
Bruissant, soupirant de zéphyr,
En chœur, tous les arbres reprirent,
Pendant que mon corps pendait nu,
Leur ode à éventer les nues.
Des fleurets de lumière entraient,
Perçaient, embrochaient les nuées,
Perforant le flanc de mon âme,
D’où coulait de l’eau sur ces femmes.
Des gouttes de beauté des cieux
Sanguinolaient. Plissant les yeux,
Taisant la douleur exécrée,
J’essayais de ne pas pleurer.
Pourtant j’ouvris la bouche, ému,
Pour m’en gaver un peu. Repus,
Vainqueur, les mains en croix, encore,
Je partis terrasser la Mort…
Sébastien Broucke
30 juillet – 1er août 2014
S’ils traversaient les nues pour baigner le matin,
S’ils descendaient radieux nager dans les bassins,
Les faisceaux d’un soleil paresseux mais tranquille,
Cachaient leur nudité dans des halos futiles,
Et l’on pouvait saisir dans la couleur fusant,
L’invisible candeur de l’été commençant.
Comme le cœur d’un ange explose enfin de joie,
Lorsque montent d’une âme, attendrie, quelque foi,
Quelque prière pure, une sainte louange,
Ainsi plongeant des cieux déflagrés de mésanges,
Des herses de lumière assaillant les rétines,
Descendaient rebondir au bleu de la piscine.
L’amour pulsait sans fin ses bienheureux rayons,
Ils parcouraient l’espace, y devenaient crayons,
Et la terre espérait, commune page blanche,
Qu’aille fondre sur elle en sa poésie franche,
La Parole enjouée du silence des cieux,
Cette langue éternelle où le Verbe est un dieu.
Mon cœur s’émerveillait de ne rien déchiffrer,
L’inconcevable hantait ma raison balafrée,
Le regard impatient, courant d’une œuvre à l’autre,
Je scrutais ébloui les secrets du grand Autre,
J’accourais confiant mais repartais bredouille,
Vers ce monde où l’énigme au miracle pendouille.
Les trois artificiers explosant en morceaux
L’étoile du matin sur la face des eaux,
Sous d’invisibles traits qui dardaient l’essentiel,
Mes flots s’ensoleillaient où se mirait mon ciel,
Et tout enluminé de lueurs Majorelle,
L’azur m’enflammait l’âme avec ces étincelles !
Contemplant chaque vague incendiée d’éphémère,
Je devinais qu’au loin flamboyaient d’autres mers,
Reflets déchus des cieux, flammes insaisissables,
Vous m’allumiez au cœur des lueurs innombrables,
Mais avec tant d’éclat… que je fermais les yeux,
Comme on voile sa face en approchant de Dieu.
Sébastien Broucke
15 - 17 juillet 2014
N’espérant rien de plus, tu t’en vas sans lambeau
De regrets. Depuis lui tu survis sans présent,
Tout ce qu’il t’a offert le fut par accidents,
Et ton visage enflé pleure des traits moins beaux.
Eloigné des soleils qu’éclipsent les flambeaux
De ses regards sur toi, privé de lait, de miel,
Ta terre étant promise aux bleus tombés du ciel,
Ce soir ton paradis monte sur l’escabeau.
Tu veux rentrer chez toi et sa main la lui rendre,
Tes souvenirs meurtris meurent d’aller se pendre,
Mais nul ne noie sa peine avec un nœud coulant !
Qui saborde un bateau lorsqu’il faut le repeindre !
Fuis, n’abandonne pas ! Ou d’un mouvement lent…
Crois-tu qu’après la mort l’âme cesse de geindre ?
Sébastien Broucke
28 juin – 3 juillet 2014